
Le trempage, la fermentation du cru, les mélanges acides ou basiques, donnèrent des résultats déjà goûteux aux palais des premiers hommes, sans doute pas aussi rustiques qu’on veut bien le dire… Ne pensez-vous pas que pour découvrir le goût de la nourriture grillée, viandes ou tubercules, rien ne vaut un bon incendie naturel ! La foudre et ses démarrages de feux intempestifs, ont dû donner bien des idées de préparations alimentaires goûteuses à certains et ce, à toutes les époques et sous toutes les latitudes ! Et c’est bien sûr avec la bouche, située dans le triptyque de l’oralité, que l’on apprécie aussi bien les aliments, la parole, que la sexualité. D’où ces joyeux mélanges, avec la nostalgie du sein, les pulsions cannibales, les syndromes d’anorexie par refus d’amour et inversement de boulimie. Delà émergent certaines souffrances, sauf dans le cas plus tardif où la gastronomie permet une certaine sublimation. N’emploie-t-on pas le terme : cuisiner, à la place de : torturer ?

De nombreuses ethnies africaines, les Baoulés en Côte d’Ivoire ou les Peuls ou les Massaïs du Kenya, buvaient le matin au réveil un bol de sang chaud ! Ils saignaient légèrement leurs vaches à la hauteur du cou, par une petite incision au couteau qu’ils cicatrisaient immédiatement en appuyant leur doigt imprégné de terre. Le soir ils leur tiraient simplement un bol de lait chaud. Frugaux repas, mais … ô ! Combien énergétiques et surtout bien chauds !
De la chasse à la cueillette, il fallait bien manger ! Bien avant la découverte du feu, le soleil toujours présent a pu réchauffer, fermenter, cuire et même transformer sur des pierres chaudes, bon nombre d’aliments frustres en petits plats délicieux. La neige, la glace, les acides naturels, cuisent aussi les aliments à leur façon, en nous offrant des goûts très subtils. Les eaux chaudes naturelles, volcaniques ou thermales, ont sûrement été témoins des premières cuissons à la vapeur, dans des paniers de fortune placés juste au-dessus des eaux brûlantes. de mémoire chinoise, dans les montagnes du Chan-Si, aux confins de la Chine et de la Mongolie, depuis toujours on cuit des petits roulés de gruau d’avoine, placés dans une vannerie en équilibre au-dessus des eaux chaudes. C’est dans les techniques de survie en forêt, pratiquées par les peuples premiers, que l’on peut déceler les prémices des véritables recettes.

Qu’est-ce que la viande faisandée ? Vieillie en quelque sorte et dont la conservation particulière lui donne ce goût inimitable. Connaissez-vous le traditionnel Pemmigan des tribus des plaines amérindiennes ? Une viande séchée au soleil et plus tard au feu, qui se défait par petits morceaux entre deux pierres, à condition que la viande ait été coupée dans le sens contraire de son grain ! On brise dessus quelques œufs d’oiseaux, du gras d’animal et du miel. A déguster en boulettes serrées sous les doigts, un vrai régal des papilles ! Il faut mentionner aussi une autre technique très utilisée par les chamans : la magnétisation manuelle des aliments. Cette force énergétique sèche en quelques heures et sans pourrissement, les œufs, la viande ou le poisson. En ces temps de disette, toutes les fumures à froid préalablement salées, étaient très intéressantes parce que de très longue conservation, souvent plus d’une année. Et c’était vital pour tous ces petits groupes ethniques, dont la vie quotidienne était précaire. Les repas pris ensemble confortaient alors la cohésion de tous les membres, vivants en économie de ponction, par une sorte de communion, qui passa du cannibalisme paléolithique rituel, à la célébration du repas des sociétés patriarcales… quoique…
On parle encore de cannibalisme à notre époque et c’est vrai… Mais c’est une autre histoire dans l’histoire. On peut en discuter plus en direct …